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Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) constituent une famille de composés dont les membres sont présents en quantité abondante dans l’environnement des bélugas. La formation de HAP dérive de la combustion incomplète des matières organiques. (Les matières organiques sont composées en grande partie de carbone). Ainsi, les feux de forêt, les volcans, la cigarette mais également plusieurs procédés industriels sont tous des sources de HAP dont certains sont utilisés pour la production d'aluminium.

La plus grande partie des HAP trouvés dans le Saguenay, une partie importante de l’habitat des bélugas du Saint-Laurent, provient des alumineries situées en amont. Ils sont émis dans l'atmosphère durant l'électrolyse de la bauxite. Celle-ci a lieu dans de grandes cuves. On utilise une électrode négative (cathode) composée d'une coquille d'acier tapissée de carbone et une électrode positive (anode) qui est un mélange cuit de coke et de poix suspendue au-dessus la cuve d'électrolyse. Pendant la réaction, ce mélange (l'anode) brûle, générant des particules et des gaz riches en HAPs. Les travailleurs de l'aluminium, en amont de la rivière Saguenay, sont affectés par des prévalences élevées de cancer du poumon et de la vessie. Ceux-ci sont reliés à l'exposition aux anodes qui se consument et dont s'échappent des PAHs volatiles ("coal tar pitch volatiles"). Les travailleurs affectés sont désormais compensés par la Comission de la santé et de la sécurité du travail (CSST)

D'autre part, il a été démontré que l'ingestion chronique de mélanges de poix de charbon ("coal tar") cause les cancers du petit intestin chez la souris .  Les HAP présents dans l'environnement des bélugas du Saint-Laurent en quantité élevée sont probablement ingérés par ces animaux. Les sédiments de la rivière Saguenay, qui constitue une partie de l'habitat des bélugas du Saint-Laurent, contiennent de 500 - 4 500 parties par milliard de HAP totaux qui sont produits pour la plupart par les usines d'aluminium situées en amont, pendant l'électrolyse de la bauxite (voir plus haut). Les invertébrés vivant dans les sédiments accumulent les HAP, en contraste avec les vertébrés. Or, en été, les bélugas du Saint-Laurent se nourrissent de quantités significatives d'invertébrés. De plus, des observateurs ont noté que ces baleines ont l'habitude de fouiller dans les sédiments.

En outre, des adduits de benzopyrène ont été détectés dans le cerveau de bélugas du Saint-Laurent et n'ont pas été détectés dans les cerveaux de bélugas de l'Arctique. Une autre étude, cependant, où le foie de bélugas et une méthode différente de détection des adduits ont été utilisés, n'a montré aucune différence entre les deux populations d'animaux. La contradiction de ces résultats n'est pas surprenante étant donné que des techniques et des tissus différents ont été employés dans les deux études.

Considérées dans leur ensemble, ces observations suggèrent que les bélugas du Saint-Laurent ingèrent les PAHs présents chez les invertébrés benthiques (vivant sur et dans le fond), ce qui pourrait expliquer les taux élevés de cancer du tractus digestif rapportés chez cette population.

Le rôle concomitant de virus ne peut être écarté. En effet, chez les bovins, les cancers du petit intestin, dans les rares régions du monde où ils surviennent en grand nombre, résultent de l'interaction entre des composés cancérigènes et des virus. Le papillomavirus bovin type 4 cause des papillomes dans le tractus digestif supérieur. Chez les bovins infectés par le virus et nourris avec de la fougère, une plante qui contient des composés carcinogènes puissants, les papillomes (qui sont des tumeurs bénignes) deviennent des tumeurs malignes. Ainsi un virus et un carcinogène (la fougère) sont nécessaires pour causer des cancers épithéliaux du petit intestin chez les bovins. Il est possible, aussi, que des facteurs génétiques contribuent à l'étiologie de ces cancers.

Composés organochlorés (OC)

Chaque béluga adulte renferme dans ses tissus une moyenne de 20 à 30 grammes de BPC pur, soit à peu près le fond d'un pot moyen de beurre d'arachide.  Un nouveau-né en contient proportionnellement beaucoup plus parce que sa mère lui en transmet une grande quantité dans son lait. Ainsi, l'ensemble du troupeau du Saint-Laurent est dépositaire d'une vingtaine de kilogrammes de BPC, soit presque l'équivalent d'un seau de grosseur moyenne ou de la quantité retrouvée dans l'ensemble du cheptel bovin canadien (20 millions de têtes)!

Il a été démontré que les bélugas du Saint-Laurent sont affectés par des lésions et des agents infectieux compatibles avec l’immunodépression. De nombreux collaborateurs, dont les Dr P. Béland, S. De Guise, C. Desjardins, S. Lair, D. Martineau, I. Mikaelian, R. Norstrom et L. Shugart, ont démontré dès 1983 que ces animaux étaient contaminés par des concentrations très élevées de composés organochlorés, une famille de composés aux puissants effets immunodépresseurs. Le Dr. De Guise (maintenant professeur à l'Université du Connecticut) a étudié les cellules immunitaires des bélugas du Saint-Laurent lors de ses études de doctorat dans le laboratoire du Dr Michel Fournier à l'Université du Québec à Montréal. Il a démontré entres autres que, in vitro, la prolifération de cellules immunitaires (splénocytes et lymphocytes du sang) de bélugas de l'Arctique diminuait lorsque ces cellules sont exposées à des mélanges de composés organochlorés à des concentrations semblables à celles observées dans les tissus de bélugas du Saint-Laurent.

Métaux lourds

Les métaux lourds, dont plusieurs ont aussi des propriétés immunosuppressives, contaminent les bélugas du Saint-Laurent. Le Dr S. De Guise a démontré in vitro que les concentrations en mercure retrouvées dans le foie des bélugas du Saint-Laurent sont suffisantes pour diminuer la réponse proliférative normale de cellules immunitaires (lymphocytes et splénocytes) de bélugas.

Dr Julie Gauthier, maintenant à l'Université de Californie Davis, lors de son programme de doctorat (Ph.D.) chez Dr H. Dubeau de l'UQAM, a démontré que le toxaphène (un insecticide organochloré) et le mercure fragmentent les noyaux de cellules de bélugas et ce, aux mêmes concentrations que celles rencontrées dans les tissus de bélugas du Saint-Laurent. (Remarquablement, la lignée cellulaire utilisée dans ces études a été développée par Dr Gauthier à partir d'un béluga juvénile apporté à la salle de nécropsie et mort depuis plusieurs jours !). Parce que ces composés endommagent le matériel génétique des bélugas, ils pourraient être impliqués dans l'étiologie des cancers observés chez ces animaux.

Tributyltins

Des tissus de bélugas fournis par B. Doidge, D. Leclair, I. Mikaelian, et D. Martineau et analysés par R. St-Louis, R. S. deMora, et E. Pelletier étaient contaminés par des composés dont on ne soupçonnait même pas la présence dans l’Estuaire. Il s'agit des tributyltins, utilisés dans la peinture des coques des quelque 6,500 bateaux de fort tonnage qui traversent annuellement l’habitat des bélugas de l’Estuaire, ceci afin d'empêcher la prolifération des mollusques. Curieusement, l'utilisation de ces composés est interdite au Canada seulement pour les bateaux de moins de 25 m de longueur (elle est permise pour la peinture des navires).

 

Contaminants

Bibliographie reliée à l'article paru dans Québec Science, numéro de décembre 2004

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